Aller au contenu

Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
SEIGNEUR ! UN PAUVRE MATELOT…

Seule, Lady Om ne parut point troublée et recommença à plonger dans mes yeux, qui étaient retournés vers les siens, ses yeux grands ouverts.

Un lourd silence retomba, comme si chacun attendait que résonnât quelque fatidique parole. Tous les yeux coulissaient furtivement leur regard de l’Empereur à moi, et de moi à l’Empereur. Moi, je demeurais toujours, sans perdre la tête fort heureusement, immobile et muet, et les bras croisés.

Enfin l’Empereur parla.

— Il connaît notre langue… dit-il simplement.

Toute la salle haletait. On entendait les respirations palpiter dans les poitrines.

Je ne savais trop quoi répondre et je fonçai, en bon matelot blagueur, sur la première idée folle qui s’offrit à mon esprit.

— Cette langue, déclarai-je, est ma langue natale.

L’Empereur parut étonné, et impressionné tout à la fois, par mon assurance. Il fit la mine de quelqu’un qui a avalé de travers et ses lèvres se contractèrent. Puis il me demanda :

— Explique-toi !

Je repris :

— Cette langue est ma langue natale. Je la parlais, à peine issu du sein de ma mère, et ma sagesse précoce émerveillait tous ceux qui m’approchaient. Puis je fus emporté un jour par des pirates, en un pays lointain, où se fit mon éducation. J’oubliai tout de mes origines. Mais, à peine eus-je remis le pied sur le sol coréen que je reparlai spontanément mon langage ancien. Je suis Coréen de naissance et maintenant seulement je suis chez moi.

Il y eut, parmi les assistants, des murmures divers et des colloques. L’empereur interrogea Kim.

Cet excellent homme n’hésita pas à appuyer mes dires et ne craignit pas de mentir en ma faveur.

— J’atteste, dit-il, qu’il parlait notre langue, lorsque je le rencontrai qui sortait de la mer…