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Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/186

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LE VAGABOND DES ÉTOILES

faisait-il tout ce qui était en sa puissance pour la détourner de son cousin, et couper les ailes à celui-ci. Il va de soi que je ne découvris pas du premier coup toute cette intrigue. Je la devinai en partie, par certaines confidences de Lady Om, et la sagacité d’Hendrick Hamel pénétra le reste.

Lady Om était une perle rare. Des femmes de son calibre, il en naît deux à peine par siècle, dans l’univers entier. Elle faisait fi des règles et des conventions sociales. La religion, telle qu’elle la pratiquait, était une série d’abstractions toutes spirituelles, en partie apprises aux leçons de Yunsan, en partie tirées de son propre fonds moral. Quant à la religion du commun, telle qu’on l’enseignait au peuple, elle affirmait que c’était une invention destinée à maintenir sous le joug des milliers d’hommes, qui peinaient pour les autres.

Lady Om avait une volonté forte et un cœur tout féminin. Et elle était belle. Belle d’une beauté universelle et non pas seulement asiatique. Ses grands yeux noirs n’étaient ni bridés, ni fendus d’une fente trop étroite. Ils étaient longs seulement, très longs, et le plissement des paupières qui les enclosaient ne servait qu’à leur donner un piment spécial.

J’étais grisé de la situation où je me trouvais. Princesse et matelot ! Quel rêve charmant ! Et je me torturais les méninges pour ne pas paraître plus sot qu’elle-même et pour pousser à bout mon intrigue. Je jouais avec le feu et j’en étais ravi.

Aussi commençai-je par rééditer l’histoire abracadabrante que j’avais débitée en présence de toute la Cour, à savoir que j’étais Coréen de naissance et que j’appartenais à l’antique lignée de Koryu.

Elle me coupa la parole en me donnant sur les lèvres des coups légers, de son éventail de plumes de faisan.

— C’est bon, c’est bon ! dit-elle. Ne me faites pas ici des contes pour enfants. Sachez que vous êtes pour moi