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Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/208

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LE VAGABOND DES ÉTOILES

ennemi. Simulant une sénilité stupide, je rampai dans la poussière, comme Lady Om, vers la litière, en pleurnichant pour la grâce d’une charité.

Les serviteurs de Chong-Mong-ju s’apprêtaient à me repousser. La voix chevrotante du maître les retint. Je le vis qui se soulevait sur un de ces coudes, en tremblotant, et qui, de son autre main, écartait tout grands les rideaux de soie. Sa figure flétrie s’illumina d’un éclair joyeux, tandis qu’il nous couvait du regard.

Lady Om murmura de nouveau, à mon oreille, son chant lamentable de mendiante :

— Maintenant, maintenant, ô mon Roi !

Tout son fidèle et impérissable amour, toute sa foi dans ma suprême entreprise étaient enclos dans son chant et dans sa voix.

Et la colère rouge monta en moi. Vainement j’essayai de lutter et de me débattre contre elle. Et, dans ce combat, je fus saisi d’un tremblement de tout mon être.

Chong-Mong-ju vit ce tremblement et pensa que la vieillesse seule en était la cause. Je tendis vers lui ma sébile de cuivre et pleurnichai, plus lamentablement encore. Je voilai sous les larmes le feu ardent de mes prunelles bleues, et je calculai la distance et ma force, avant de bondir.

Ce fut comme un jet de flamme, de flamme rouge. Il y eut un grand fracas des rideaux et de leurs tringles, puis des cris perçants et des braillements sans fin, des serviteurs affolés, tandis que mes mains se refermaient sur la gorge de Chong-Mong-ju. La litière bascula et je sus à peine où je me trouvais. Mes doigts cependant ne se relâchèrent point.

Dans le pêle-mêle des coussins et des couvertures, je ne fus guère atteint, tout d’abord, que par des coups que me portaient les serviteurs. Mais bientôt les cavaliers arrivèrent à la rescousse et leurs manches de fouets massifs s’abattirent sur ma tête, tandis qu’une multitude de mains m’agrippaient et me déchiraient.