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LE VAGABOND DES ÉTOILES

— Vous faites erreur, lui dis-je. Je suis capable de tenir non pas vingt, mais quarante jours. Quarante jours… Peuh ! Mettez cent jours.

En me ressouvenant de la patience dont mon courage avait fait preuve jadis, lorsque j’attendis, quarante ans durant, l’heure où je pourrais saisir Chong-Mong-ju à la gorge, j’ajoutai :

— Vous ignorez, chiens de prisons, ce qu’est un homme. Regardez-moi, vous en verrez un ! Vous n’êtes, en face de moi, que des avortons débiles. Je suis votre maître à tous. Vous ne réussissez pas à tirer de moi une seule plainte. Et cela vous étonne, car, si vous étiez à ma place, vous gueuleriez à la centième partie de mes souffrances.

Je continuai ainsi à les injurier copieusement. Je les appelai fils de crapauds, marmitons de l’Enfer, monstres de scélératesse. Je leur répétai, à satiété, que j’étais au-dessus d’eux, à mille pieds au-dessus d’eux. Ils étaient, eux, des esclaves, mes esclaves. Moi, j’étais un homme libre. Ma chair seule était ficelée dans ce cachot. Tandis que cette pauvre chair gisait inerte sur le sol, et ne souffrait même pas, mon esprit s’envolait à travers le temps et l’espace. Le monde m’appartenait.

Ils se retirèrent sans trouver rien à me répondre. Ils n’étaient plus là que je les injuriais encore.

Je frappais toutes mes aventures rétrospectives à mes deux camarades. Morrel ne doutait pas de la véracité de ce que je lui racontais. Mais, tout en étant captivé par mes récits, Oppenheimer demeura sceptique jusqu’à la fin. Et il se désolait que j’eusse consacré ma vie à l’agronomie, au lieu d’écrire des romans d’imagination.

Je tentai bien de lui expliquer que j’ignorais tout, en tant que Darrel Standing, de la Corée et de ses habitants, de ses mœurs et de la vie que l’on y mène.

— Oh ! en voilà assez ! frappa-t-il, d’un coup sec et impératif… Tais-toi, Morrell, et n’interviens pas entre moi et le professeur… Adam Strang est le produit d’un rêve d’opium. Tu as lu quelque part, Standing, toutes