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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Elle fit un effort pour se dégager.

— Vous ne comprenez pas ! Vous ne comprenez pas ! dit-elle avec emportement. Vous ne comprenez pas que cet homme est Dieu, et que la mort infamante qui l’attend est celle des esclaves et des voleurs ! Il n’est ni l’un ni l’autre. Il est immortel ! Il est Dieu !

— Eh bien ! repris-je, s’il est immortel, que lui importe de mourir ? Son immortalité n’en sera pas, dans la mesure du temps, diminuée de l’épaisseur d’un cheveu. Il est Dieu, dites-vous ? D’après tout ce qu’on m’a enseigné, un Dieu ne peut pas mourir.

Elle s’exaltait de plus en plus.

— Oh ! gémit-elle, vous ne voulez pas me comprendre. Vous n’êtes qu’une grande masse de chair.

Je tâchai de lutter encore et, me remémorant les leçons subtiles des Juifs, je demandai :

— Ne m’avez-vous pas dit que cet événement était prédit dans les anciennes prophéties ?

— Oui, oui, dans les prophéties les plus antiques, qui nous annonçaient la venue d’un Messie.

— Laissez donc, m’exclamai-je triomphant, les prophéties s’accomplir ! Qui suis-je, pour oser me mettre en travers d’elles ? Ce qui doit s’accomplir, s’accomplira. Je n’ai pas à contrecarrer la volonté de Dieu.

Elle répéta :

— Vous ne comprenez pas… Vous ne comprenez pas…

Puis elle se rejeta en arrière, en s’échappant de mes bras avides, et nous nous tînmes écartés l’un de l’autre, silencieux, écoutant le tumulte extérieur de la rue et les clameurs forcenées qui accompagnaient Jésus, qu’en ce moment même on entraînait au supplice.

Sa voix se fit caressante, infiniment. Ses yeux plongèrent dans les miens leurs grands puits noirs. Elle s’offrait, en une promesse immense, tellement vaste et profonde que nulle parole ne pourrait la traduire.

— M’aimez-vous ? demanda-t-elle.

— Oui, je vous aime, répondis-je. Je vous aime, au