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LE VAGABOND DES ÉTOILES

d’observation, me permettant de scruter bien loin l’océan, afin d’y découvrir un navire qui passerait au large. Ensuite, augmenter, pour ce même navire, la possibilité de remarquer mon île, qu’apercevrait peut-être le regard errant de quelque matelot.

J’avais continué, en outre, à entretenir par ce travail ma bonne santé, physique et morale, et à déjouer les pièges de Satan. Pendant mon sommeil seul, il persistait à me tourmenter, par de vaines visions de succulentes nourritures et de cette herbe pernicieuse appelée tabac.

Le 18 juin de la sixième année, je perçus au loin un navire. Mais la distance à laquelle il voguait, sous le vent, était trop grande pour qu’il pût me discerner. Loin d’en éprouver du désappointement, cette apparition fugitive me fut un réconfort. Je ne pouvais plus douter, comme il m’était arrivé de le faire, que les navires des hommes ne labourassent parfois ces parages.

Je continuai donc à attendre patiemment les événements. Lassé sans doute de voir qu’il n’avait sur moi aucune sérieuse emprise, Satan abandonna la partie et cessa, presque complètement, de me tarabuster par des désirs alléchants, mais superflus.

J’occupais mes loisirs à graver sur mon aviron le récit des événements les plus notoires qui m’étaient advenus, depuis mon départ des paisibles rivages de l’Amérique. Afin de ménager la place dont je disposais sur le bois, je m’appliquais à une écriture la plus menue possible. Ma peine était telle à ce travail que parfois cinq à six lettres représentaient la besogne de toute une journée. Peut-être, si je ne revoyais jamais les miens, cet aviron leur parviendrait-il un jour et les mettrait-il, au moins, au courant de ma déplorable destinée.

Aussi, lorsqu’il fut couvert de mon écriture, me devint-il, on le conçoit, plus précieux encore que par le passé. Ne voulant plus l’utiliser à assommer les