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À L’INSTAR DE ROBINSON

phoques, je me fabriquai, pour le remplacer, une massue de pierre, qui me rendit les meilleurs services. Afin de préserver mon aviron des intempéries, je lui confectionnai une gaine de peau de phoque. Je ne l’en sortais que pour le hisser, par beau temps, au sommet de ma pyramide, après l’avoir muni, en guise de pavillon, d’une banderole, toujours en peau de phoques.

Au cours de l’hiver qui suivit, j’eus à souffrir d’une tempête particulièrement effroyable. Elle se déchaîna vers neuf heures du soir, annoncée par d’énormes nuages noirs et par un vent frais du sud-ouest qui, vers les onze heures, devint furieux, accompagné de coups de tonnerre incessants et d’éclairs d’une incroyable longueur. Je ne fus pas sans crainte pour ma sûreté. Les flots déchaînés couvrirent entièrement l’île et, si je n’eusse grimpé au sommet de ma pyramide, nul doute que je n’eusse été noyé. Elle seule me sauva. Ma hutte fut entièrement submergée et toute ma provision de viande de phoque emportée et réduite à rien.

Là encore, cependant, ma bonne étoile ne m’abandonna pas. La mer, en se retirant, avait semé la surface de l’île d’une multitude de poissons, de l’espèce des mulets, ou approchant. Je ne ramassai pas moins de douze cent dix-neuf de ces poissons, que je me hâtai d’ouvrir, de saler et de mettre à sécher au soleil, comme on fait de la morue. Ce changement heureux dans mon menu vint fort à point pour me réveiller l’appétit. Mais je me rendis coupable de gloutonnerie et mangeai tellement que, la nuit suivante, je faillis en trépasser.

Au début de ma septième année de séjour sur l’île, au mois de mars exactement, une seconde tempête, non moins formidable, eut lieu. Lorsqu’elle se fut apaisée, ce fut, cette fois, le cadavre frais d’une gigantesque baleine que je découvris sur les rochers, où les vagues l’avaient projetée. Et vous comprendrez ma joie quand je vous dirai que je trouvai, profondément encastré dans les entrailles du monstre, un harpon, muni encore de sa