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Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/45

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« ASSIEDS-TOI, STANDING ! »

rell depuis un an seulement. Il purgeait une condamnation de cinquante ans. Jake Oppenheimer était condamné perpétuel, tout comme moi.

Il semblait donc, à première vue, que nous en avions pour longtemps de ce logis. Cependant, six ans seulement se sont écoulés et aucun de nous n’est plus là. Jake Oppenheimer a été pendu ; Ed. Morrel a trouvé son chemin de Damas. Il s’est fait bien noter et est passé homme de confiance de la prison de San Quentin. On vient, récemment, de le gracier. Moi, je suis ici, à Folsom, en attendant que le jour fixé par le juge Morgan soit mon dernier jour.

Lorsqu’après six ans de cellule solitaire je fus extrait de la prison de San Quentin, afin d’être transféré ici, dans celle de Folsom, pour y être jugé comme je vais vous dire, je revis Skysail Jack. Je le revis… C’est une façon de parler. Car, après six années de ténèbres, je clignais des yeux au soleil, comme une chauve-souris. Comme je m’en allais, je le croisai, dans la cour de la prison, et le reconnus tout de même, dans un brouillard. Ce que j’en aperçus fut suffisant à me fendre le cœur. Ses cheveux étaient devenus blancs et il avait prématurément vieilli. Sa poitrine s’était creusée, ses joues s’étaient enfoncées et la paralysie faisait trembler sa main. Il chancelait en marchant.

Il me reconnut, lui aussi, et ses yeux, à mon aspect, s’embrumèrent de larmes.

J’étais une non moins triste épave de l’homme qu’il avait connu. Mon poids était tombé à quatre-vingt-sept livres. Mes cheveux striés de gris, avaient poussé, comme ma moustache et ma barbe, sans être jamais taillés, et étaient complètement hirsutes. Je chancelais comme lui, à ce point que, pour me faire traverser cette cour étroite, aveuglante de soleil, les gardiens devaient me soutenir sous les bras.

Mes yeux et ceux de Skysail Jack se croisèrent dans notre mutuel naufrage.