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DES TAPOTEMENTS DANS LA NUIT

Les deux condamnés étaient trois désormais. Ainsi qu’ils me le dirent par la suite, ils ne se confièrent à moi, cependant, qu’après un certain temps, où l’on me mit à l’épreuve. Ils craignaient que je ne fusse un mouton placé là pour leur tirer adroitement les vers du nez. On avait déjà fait le coup à Oppenheimer, et il avait payé cher la confiance qu’il avait mise dans l’émissaire du gouverneur Atherton.

Je fus fort surpris — et agréablement flatté — d’apprendre que mes deux compagnons de misère n’ignoraient pas mon nom, et que ma réputation d’incorrigible endurci était venue jusqu’à eux. Jusqu’en ce tombeau vivant, qu’Oppenheimer occupait depuis dix ans, ma gloire — mon modeste renom si vous préférez — avait pénétré !

J’avais beaucoup à leur conter, et des faits divers de la prison, et du complot d’évasion des quarante condamnés à vie, et de la recherche de la dynamite, et des machinations scélérates de Cecil Windwood. Tout cela était pour eux de l’inédit. Les nouvelles, me dirent-ils, pénétraient parfois, goutte à goutte, dans leur cellule, par le truchement des gardiens. Mais, depuis deux mois, ils n’avaient rien su. L’équipe de service actuelle était particulièrement méchante et hargneuse.

À plusieurs reprises, ce jour-là, nous reprîmes avec nos doigts la conversation, non sans encourir force malédictions et menaces des gardiens effectuant leur ronde. Mais c’était plus fort que nous ; nous ne pouvions nous taire. Les trois enterrés vivants avaient tant de choses, à se dire, et si exaspérément lent était notre mode de converser !

— Tais-toi pour l’instant, me fît savoir Morrell. Attends que « Tête-de-Tourte » prenne ce soir la garde. Il dort presque constamment et nous pourrons alors causer tout notre saoul.

Tête-de-Tourte était un vilain homme, fort méchant, malgré toute sa graisse. Mais cette graisse fut bénie de nous, car elle l’alourdissait au point qu’il éprou-