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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/39

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LES TEMPS MAUDITS

dents. À vrai dire, il n’avait jamais vu de brosse à dents et ignorait qu’il existât dans le monde des êtres assez excentriques pour se nettoyer les mâchoires.

— Tu pourrais tout de même bien te débarbouiller une fois par jour sans qu’on te le dise ! grommela sa mère.

Elle versait le café dans deux tasses, en maintenant sur la cafetière un couvercle ébréché. Le garçon s’abstint de répliquer : c’était un sujet de querelle perpétuelle entre eux et l’unique point sur lequel sa mère insistât avec une volonté de fer.

Se débarbouiller une fois par jour constituait un rite obligatoire. Il s’essuya avec une serviette graisseuse, humide, sale et déchirée, qui lui laissa le visage couvert de filaments.

— Je voudrais bien que nous ne demeurions pas si loin, dit-elle pendant qu’il s’asseyait. J’essaie de faire pour le mieux, tu le sais. Mais un dollar d’économie sur le loyer, c’est quelque chose, et ici nous avons plus de place.

Il l’écoutait à peine, l’ayant entendu dire cela bien des fois déjà. Dans le cercle restreint de ses pensées, elle revenait sans cesse à cet inconvénient de vivre si loin de la filature.

— Un dollar, c’est davantage à croûter,