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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/44

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LE RENÉGAT

quoi ne fais-tu pas comme lui ? demanda-t-il avec colère.

Les bobines de Jeannot tournaient à toute vitesse, mais cet éloge indirect ne l’enthousiasma pas le moins du monde… Jadis, mais il y avait si longtemps ! Il conserva son visage apathique en s’entendant citer en exemple. Il était le parfait travailleur, et il le savait : on le lui avait répété maintes fois. C’était une banalité qui ne signifiait plus grand-chose pour lui. De parfait travailleur, il devenait parfaite machine. Quand son travail allait de travers, pour lui comme pour la machine, il fallait s’en prendre à un matériel défectueux. Il lui était impossible de se tromper, autant qu’à un parfait moule à clous de produire des clous imparfaits.

Faut-il s’en étonner ? De temps immémorial, il restait en rapport intime avec les machines. Elles avaient pour ainsi dire concouru à sa naissance, en tout cas à son éducation. Voilà douze ans, un fait divers intéressant s’était passé dans la salle des métiers de cette même filature. La mère de Jeannot s’étant évanouie, on l’avait allongée sur le plancher au milieu des machines tumultueuses. On avait dérangé de leurs métiers deux femmes