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LE CHINAGO

commis ne les étonnait pas plus que la plupart des étrangetés perpétrées par les blancs.

Durant les semaines qui suivirent, Ah-Cho observa souvent son camarade Ah-Chow avec une discrète curiosité. Celui-ci devait avoir la tête coupée au moyen de la guillotine qu’on était en train d’ériger sur la plantation. Inutile pour lui de songer au déclin des années ou à la retraite dans un jardin tranquille. Ah-Cho se lançait dans des spéculations philosophiques sur la vie et la mort.

Pour sa part, il ne perdait pas la tête et ne se faisait pas de bile. Vingt ans n’étaient que vingt ans. Son jardin reculait d’autant, voilà tout. Jeune encore, il avait dans le sang toute la patience asiatique. Il attendrait ces vingt ans : alors les ardeurs de son être apaisées, il n’en apprécierait que mieux la sérénité de son jardin de rêve. Il songea à lui donner un nom : il l’appellerait « Le Jardin du Calme Matinal ».

Cette bonne idée le rendit heureux toute la journée, et lui inspira une maxime morale sur la vertu de la patience, maxime qui apporta une immense consolation à ses camarades, surtout à Wong-Li et Ah-Tong. Mais Ah-Chow y demeura indifférent. Sa tête devait