Page:Londres - Au bagne.djvu/177

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pas de pire s’il arrachait un bifteack à la cuisse du voisin.

Ce bout du Maroni ne semblait rien à traverser. Nous comptions sans le doucin. Les doucins sont les crues. Amazone, Oyapock, Maroni, Mana, Surinam, Demerara, ces fleuves prodigieux d’Amérique du Sud, sont fort méchants aux hautes eaux. Nous fîmes deux fois le tour de l’îlet avant de pouvoir aborder. Nous avions l’air de lui lancer le lasso.

Vingt forçats lépreux — un par arbre — étaient en train de perdre ici leur figure humaine.

Nous les trouverons. Ils sont rentrés puisqu’il est sept heures du matin.



LEURS NUITS


Chaque nuit, ils s’en vont sur une barque invisible de jour. Le jour, ils l’immergent, jamais au même endroit ; le soir, ils la repêchent et à eux l’oubli ! Ils se rendent au village chinois de Saint-Laurent. Et là, ils jouent, boivent et reboivent. Il faut voir ces baraques tremblantes sous les lumignons qui puent. Des Célestes de troisième classe, arrivant droit des égouts de Canton, mélangent, dans un grand fracas d’os les domino-pocker sur des tables graisseuses. Derrière son zinc, qui est en bois, et sa machine à compter, le patron…

— D’où es-tu, toi ?