Page:Londres - Au bagne.djvu/193

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La Muse du Bagne pue le tafia.

— Est-ce un film à produire ici (son langage est châtié). Que viennent faire chez nous ces instruments militaristes ? Je proteste !

— Ça va, mon vieux ! ça va ! lui crie un colonial, de l’intérieur de la baraque.

— Et ce citoyen venu de Paris voir le bagne, croyez-vous que cela soit sérieux aussi ? Moins que rien, voilà ce qu’il est. J’ai l’habitude de juger les hommes et sais ce que je dis.

J’étais dans la boutique. Les comptoirs ont peu de jour, à cause du lourd soleil. Et l’on est bien, assis à l’ombre, sur des rouleaux de balata.

— Un journaliste ! Mais non ! Un prévoyant. Il est venu retenir sa place. Ah ! les poires, qui croient à son miracle ! Vous ne l’avez donc pas regardé ; quelle belle fleur… de fumier ! Et dire qu’on le tolère parmi nous !

Honorat Boucon, dans le monde bagnard, est le seul ennemi que j’ai en Guyane.

Un matin, vers sept heures, alors que j’étais encore sous ma moustiquaire, je vis entrer dans ma chambre un petit homme, à la figure ravagée.

— Ah ! vous êtes encore couché, me dit-il. Bien. Ne vous dérangez pas. Je suis Honorat Boucon. Vous avez entendu parler de moi, n’est-ce pas. ?

— Vaguement, mon vieux, vaguement. Laisse-moi dormir.

Il s’en alla.