Page:Londres - Au bagne.djvu/93

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— Êtes-vous sûr que c’est le bagne, commandant ? On dirait Monte-Carlo sans les lumières…

— C’est grand comme la main et j’ai six cents hommes pour peigner ce jardin. Il peut être coquet.

Un bagnard descendait. On ne se promène pas la nuit, aux îles. Dès six heures du soir, tous sont souqués. Mais ce bagnard était en service. C’était le guetteur du sémaphore.

— Tenez ! voilà notre première rencontre, vous me direz tout à l’heure si vous en feriez de semblables à Monte-Carlo. Savez-vous ce qu’a fait cet homme ? C’est un blanc de la Martinique, un noble. Voici son nom, mais ne le répétez pas, son fils est officier dans l’armée française.

Patron d’une goélette sur la côte de Guyane, il faisait le va-et-vient entre la Prouague, Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni. Officiellement, il transportait du bois de rose et du tafia. Ce n’était pas un voyou de ports, mais un armateur au petit pied. Les meilleures familles de la colonie le recevaient. Et, si je n’avais pas la mémoire courte, je pourrais ajouter qu’il venait aussi chez moi.

Un soir, on vit arriver au camp de Cayenne un forçat horriblement blessé et qui criait comme un fou : « On nous tue tous ! C’est le massacre ! »

L’homme était porté comme évadé depuis cinq jours. Et voici ce qu’il dit :

— C’est le patron de la goélette bleue. Il s’entend avec nous pour nous faire évader. Il demande