vite. Je t’attendais depuis si longtemps… et demain tu seras parti.
Tu me demandes pourquoi je suis enfermée dans cet hôtel ? Ô mon Français ! comme l’on voit que tu arrives ! J’ai vingt-trois ans et c’est moi qui t’apprends des choses. Autrefois, j’étais Russe. Aujourd’hui, mon pays a perdu jusqu’à son nom. On m’arrête parce que je ne suis plus rien. Pigeon voyageur, on a démoli mon colombier et le Chinois tire sur moi pour s’amuser. Je suis en route pour Shanghaï où mon frère qui était à Vladi (Vladivostock) est installé depuis deux mois. Voilà dix jours, j’ai quitté Harbin. J’arrive à Moukden. Je couche ici. Le lendemain, la police frappe à ma chambre. Je montre le passeport. On ouvre ce sac, on y trouve cent louis d’or que m’avait fait remettre le frère. Alors on me dit : « Police de guerre ! » Quelle guerre ? On me confisque mes pièces d’or. Ils ont télégraphié à Harbin, puis à Shanghaï. Pour le moment, je suis suspecte. Je suis blonde, jolie et Russe, je suis l’espionne. Tu vois, j’attends.
— Enfant, lui dis-je, prends du thé, car je vois bien que tu as froid.
— Non ! dit-elle, cette nuit encore j’aurai chaud, tu ne t’en vas que demain soir.