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le juif errant est arrivé

pensée, ces fiévreux cérébraux apprennent ici, c’est moins la littérature, l’éthique et la morale juives qu’à devenir plus fins, plus déliés, plus pénétrants, plus prompts. Voilà du beau sport !

Ils demeurent sept années au milieu de cet incendie du cerveau, travaillant jusqu’à l’épuisement, jusqu’à l’égarement, et l’on peut dire sans forcer le ton : jusqu’à l’hallucination. Je regardais les grands, ceux de cinquième et de sixième année ; je les regardais, eux ne me voyaient pas. Je pouvais m’arrêter devant l’un d’eux comme pour lui adresser la parole : il n’avait pas d’yeux pour moi ! Possédé par son sujet, brûlant intérieurement, transi de science, il se levait du banc, non pour m’accueillir, mais criant, démontrant, sous la pression de l’idée.

C’était très beau, nullement ridicule, émouvant, empreint de grandeur et respectable comme la folie.

Leur vie matérielle n’est pas moins sensationnelle que leur vie spirituelle. Ils sortent des ghettos des Carpathes, de Galicie, d’Ukraine, et l’habit qu’ils ont à seize ans, quand ils arrivent, ils ne l’ont pas quitté à vingt-trois ans quand ils partent. Toutefois ils ont grandi. Leur croissance se mesure à la longueur des manches de leur caftan.