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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

Ce soir, j’étais dans Callao, la seizième rue horizontale de Buenos-Aires.

Sinon comme un roseau pensant, du moins comme un piquet, je me tenais là, à l’angle de Sarmiento. Je ne me lassais de regarder les Argentins, à cause du triomphe permanent qu’ils portent, comme une plume, dans leur regard.

Ces gaillards-là, pensais-je, soulèveraient notre Arc de Triomphe à bout de bras, si nous les laissions faire.

Une femme passa. C’était Moune.

C’était Moune. À cela rien à reprendre. C’était elle.

— Oui ! dis-je, aucune erreur, c’est moi !

Ses joues étaient moins creuses. Elle avait autant d’innocence dans les yeux, parce qu’une femme qui a les yeux innocents les garde toujours, même quand elle présente ses amants à son mari.

L’innocence, d’ailleurs, n’a rien à voir avec ces choses-là.

Manon Lescaut était une bien plus belle innocente qu’Agnès.

Mais vas-tu revenir à ton sujet, espèce d’écrivain ?

Elle portait un beau manteau. Coiffée, chaussée, gantée. Les ampoules électriques de la Taverne marseillaise ne l’eussent plus effrayée.