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PÊCHEURS DE PERLES

On dit que Chérif Ibrahim n’est pas son nom véritable. Peut-on le savoir ? Si l’on en juge par ses papiers, il a vu le jour au Maroc, dans le Tafilalet. Je crois qu’il est du Doubs. En France, où parfois il séjourne, on peut le voir avec cinq galons sur la manche ; toutefois, ce qui le distinguera entre tous, c’est la chose qu’il porte au-dessus d’un cou bien pris dans un col officier : je veux parler de sa tête de revenant du désert. Il semble s’être nourri de trois dattes quotidiennes et, toute sa vie, avoir bu l’eau que des chameaux auraient ruminée pour lui.

Je pense qu’il est Français comme est Anglais le colonel Lawrence. Sur les Boulevards, son nom décoratif ne provoque aucun écho ; de Port-Saïd à Djibouti, il est sonore au point qu’il faut se garder de l’agiter au hasard. Chérif Ibrahim serait né un cadenas sur la langue que je ne m’en étonnerais pas plus que de raison. C’est un personnage mystérieux qui ouvre la bouche chaque fois qu’une dent lui tombe, et son compagnon apprendra que son intérêt sera tantôt de le montrer, tantôt de le cacher. Toutefois, il est certainement au mieux avec le service postal : quiconque est d’accord avec lui peut rôder un an en mer Rouge sans manquer son courrier ; il lui suffira de faire écrire au bas des enveloppes : c/o Chérif Ibrahim.

Ses barbes ne sont jamais fausses, ce qui ne