Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
TERRE D’ÉBÈNE

La folle voiture fit crisser le gravier du jardin et s’arrêta.

Les stores des deux portières étaient tirés. On aurait dit le fiacre de l’adultère. Nous attendîmes. Rien ne bougeait dans le coffre.

— Il ne fait pas encore assez nuit, dit le gouverneur.

Un des clients se glissa sous le véhicule et frappa contre le plancher. J’ai pensé qu’il entendait signifier au roi que Sa Majesté était arrivée. Silence.

— Il doit se donner un coup de peigne ; il est très coquet.

Alors une toux impérative ébranla le « sapin ». Les gens se précipitèrent. Les parapluies accoururent. Une jeunesse qui portait le sabre royal horizontalement sur son ventre se rangea. La portière s’ouvrit : Zounon Mêdjé dit le Zounan, roi de la Nuit, apparut. La jeunesse au sabre et la jeunesse au brûle-parfum l’entourèrent ; l’une était sa fille, l’autre sa femme préférée. Ainsi flanqué, lentement, le vieillard s’avança entre deux séduisantes poitrines. Coiffé d’un bicoque à haute plume, revêtu d’une lourde robe de velours vert broché d’argent, l’épaule drapée d’une toge jaune, tout en regardant ses sandales argentées, il soufflait violemment du nez dans sa courte barbe blanche à deux pointes.

— Bonsoir ! Zounan, dit le gouverneur.