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TERRE D’ÉBÈNE

regagnera son village. Puis le volé reprendra la route en compagnie du voleur, tous deux marchant l’un derrière l’autre, sans amertume, vers la justice des blancs.

Ceux-là sont des émigrants. La terre, chez eux, était épuisée. Ils vont vers une nouvelle terre. En arrivant, ils lui feront un sacrifice, la suppliant de vouloir bien les recevoir. Si le poulet égorgé tombe les pattes en l’air, la terre aura répondu : non. Ils remarcheront.

Sans un sou, le boubou sur le dos, la calebasse vide sur la tête, gais (quand le nègre est triste, il meurt), ils traversent l’Afrique comme nous passons d’un trottoir à l’autre. Le soir venu, ils s’assoient dans un village. Personne ne les connaît. Qu’importe ! Ils pénétreront dans une case et salueront les occupants.

— Ti va bien ? Moi, ji vais bien.

On leur donnera à manger comme à un parent de passage.

Pas de pauvres chez les noirs. Ils pratiquent le vrai communisme. L’homme qui refuserait le couscous serait déshonoré. Aucun n’est jamais tombé d’inanition. Quand ils meurent de faim, c’est en masse, tous en chœur et dans une même famine.

Pour eux, l’argent est sans valeur. Le mot économie est inconnu de leurs dialectes. Notre for-