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TERRE D’ÉBÈNE

marché, au grand ébahissement de la gent européenne. Les blancs qui passaient me regardaient comme si j’avais été un train !… Ils ne me cachaient pas que je perdais la face à mêler de la sorte mon bel individu à la peuplade soudanaise. Les natifs, eux, s’en moquaient bien !

Derrière leur machine à coudre, les mâles confectionnaient des boubous (amples vêtements de toile tenant de la chemise ce qu’ils ne tiennent pas de la chasuble) ; les femmes étaient accroupies devant les petits tas de choses qu’elles avaient à vendre : trois morceaux de sucre, quatre bananes, six noix de kola, une calebasse de lait, cinq ou six milles mouches… des petites boules noires comme des crottes de chèvre, d’autres boules, celles-là blanchâtres et d’où montait une odeur qui est celle de toute l’Afrique. C’était l’odeur du beurre de karité. Aucun puits perdu, aucune bouche, soit d’égout, soit d’évier, ne vous donnera une idée de cette odeur-là. Si boucané que vous soyez, vous tomberez inanimé à la moindre vague de beurre de karité. C’est une odeur que l’on pourrait appeler à crochet, car elle plonge en vous et vous décroche le cœur !

Ce beurre végétal se met à toutes les sauces. Il sert à la cuisine, à la toilette. Il graisse les plats, lubrifie les peaux. Plus la peau brille au soleil, plus la dame est séduisante. Le malheur c’est