louba. Je ne prétends pas que la colonie pourrait se passer de gouverneur, en tout cas aucun gouverneur ne pourrait se passer de Tartass. Ah ! je suis content ! content ! Ne pas avoir peur des distances, voilà le secret de la réussite. Je vais opérer à Kayes, à cinq cents kilomètres de ma résidence. Oui, monsieur, Tartass fait cela. À l’aller comme au retour, il taille et rase dans le train. Savez-vous que Tartass est la préoccupation de tous les broussards de Tombouctou à Dakar ? Deux mois avant, ils se disent : « Pourvu que Tartass soit dans le train ! » Il y est, tondeuse en main, ciseau en bandoulière, rasoir entre les dents. De station à station, de compartiment en compartiment, sur toute la ligne, son nom vole. Il vole comme un papillon du soir, chargé d’espoir. Les barbus seront glabres et les hirsutes transfigurés.
— Alors, vous êtes content ?
— Si je suis content ? Ça va ! Ça va ! je vous le dis. Ah ! que j’ai bien fait d’être cocu, que j’ai bien fait ! Sans cet incident, que serait Tartass aujourd’hui ? Un petit gratte-couenne dans un salon parisien. Je passerais ma journée à dire : « Au premier de ces messieurs ! » Cela eut lieu voilà dix-neuf ans, rue Mazagran, près des Grands Boulevards. J’avais une boutique ; remarquez que déjà Tartass était entreprenant — déjà ! Je revenais de poser un postiche à une cliente du