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rivière ; on n’y boit que de l’eau de pluie qu’on conserve dans de vastes citernes. Cette eau peut être plus légère que l’eau de rivière, mais, certes, elle est beaucoup moins agréable à la vue et au goût.

Je voyais, à chaque instant, passer des convois funèbres sous mes fenêtres. C’étaient autant de victimes de la contagion qu’on portait tristement à leur dernière demeure. On ne les entrait point dans le temple, de crainte qu’ils n’y répandissent le germe de la mort ; les cloches n’annonçaient pas leur trépas, afin de ne point effrayer le reste des vivants. Partout on ne respirait qu’un air infect.

Les étrangers, seuls, succombaient, ce qui n’était pas, pour moi, fort consolant. On reconnaissait facilement dans les rues ceux que cette peste avait épargnés ou qu’elle n’avait pas encore atteints. La terreur et une sorte de stupeur étaient empreintes sur leur front. Des nombreux équipages de trois gros navires français, il ne restait plus qu’un second capitaine et un mousse. Deux de ces navires avaient perdu tout leur monde, officiers et matelots. Plusieurs bâtiments des États-Unis étaient dans le même cas. Il n’y avait absolument que les indigènes qui fussent épargnés. J’avoue que quelquefois ce lugubre spectacle me glaçait d’effroi.