Je te dis qu’elle s’est amourachée de lui à tel point qu’elle en a perdu l’esprit.
Elle m’a eu bientôt oublié.
Toutes les femmes sont les mêmes.
Ce n’est pas l’embarras, je n’ai rien à lui reprocher. Je me suis marié, contre son gré, avec Dalisa ; c’était un motif suffisant pour qu’elle ne pensât plus à moi. Je ne puis me plaindre qu’elle en aime un autre par désespoir.
J’entends bien que cela la disculpera avec toi ; mais avec moi elle n’a pas d’excuse. Toi parti et marié, c’était moi qu’elle devait écouter. Voilà deux ans que je l’aime ; et après m’avoir si longtemps détesté pour toi, elle aurait dû recevoir mes vœux, et non pas me dédaigner encore pour un homme arrivé d’hier. — L’ingrate qu’elle est, elle me le préfère, elle le chérit, elle l’adore, — et j’en mourrai.
Depuis quand est-il au moulin ?
Il y a un mois environ qu’il est tombé à la maison, pour mon malheur.
Comment s’appelle-t-il ?
Martin.
D’où est-il ?
De Belmirar.
Est-il bien ?
Beaucoup trop bien, ma foi, hélas ! — C’est un homme qui donnerait de la jalousie non pas seulement à des paysans, à des laboureurs, mais aux plus beaux seigneurs de la cour. Avec sa casaque de grosse bure, il est si bien fait et il a de si bonnes manières, que par momens je suis tenté de croire qu’il est un grand personnage. Il est bien de figure, il est courtois ; il joue de la guitare en perfection, et il danse comme un maître. Puis il lance la barre à une lieue[1] ;
- ↑ La barre est une barre de fer longue d’environ deux pieds et de la grosseur du bras. — Il est souvent question de ce jeu, qui pourrait bien être d’origine romaine, dans les anciennes chroniques et dans les vieilles romances espagnoles.