Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/110

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et s’il monte sur un cheval, il le fait si bien galoper ou voler que l’on dirait un oiseau. Puis il est fort comme un taureau, léger comme une chèvre, et il parle avec une grâce telle que chaque mot qu’il dit vaut son pesant d’or. — Quand je considère tout cela, moi-même je suis prêt à excuser Laura.

Tamiro.

S’il est tel que tu me le dépeins, mon rival, je ne lui en veux plus. Et si un homme qui ne le connaît pas l’aime sur sa réputation, je disculpe la femme qui le connaît et qui l’aime. — Tiens, Melampo, d’amitié, souffre patiemment ta peine, puisqu’elle te laisse pour un qui vaut mieux que toi.

Melampo.

Je devrais sans doute me consoler de ce qu’elle me laisse pour un autre qui est plus digne d’amour, mais la jalousie que j’en ressens m’en empêche. Au contraire, cette raison-là même augmente mon tourment, parce que s’il n’était pas si aimable, je pourrais mieux espérer qu’elle se fatiguerait de lui plus aisément et qu’elle m’aimerait à mon tour.


Entre LERIDANO.
Leridano.

Où est donc Tamiro ?

Melampo.

Voici Leridano qui te cherche.

Leridano.

Ha ! ha ! te voilà, mon galant ! Sois le bienvenu.

Tamiro.

Oh ! not’ maître[1] !

Leridano.

Tout le monde, à la maison, était en peine de toi. Il y a un mois qu’on ne sait plus de tes nouvelles. Parce que te voilà marié, ce n’est pas une raison pour oublier ainsi tes maîtres. — Mais comment va ta femme ?

Tamiro.

Bien, not’ maître, à votre service.

Leridano.

C’est un bon métier, n’est ce pas, et commode, que de ne pas travailler ?

Tamiro.

Un mois, — ce n’est pas trop. — Mais, pour cela, je ne vous ai pas oublié, et, en preuve, c’est que je vous apporte un sac d’olives.

  1. M. de Chateaubriand a remarqué avec raison (voyez le Dernier Abencerage) qu’en Espagne, en général, la langue du paysan est la même que celle du grand seigneur. Cependant, même sans parler des dialectes ou patois provinciaux, les paysans espagnols ont certaines manières de dire qu’on ne retrouve pas dans les classes élevée. Telle serait l’espèce d’élision que le texte présente ici : Nuesamo pour nuestro amo, et que nous avons reproduite fidèlement.