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LE CHIEN DU JARDINIER.

La Comtesse.

Écoute ; éloignons-nous davantage. — À moins que tu n’aies voulu détourner mes soupçons, tu me donnes une idée… c’est que ce serait pour quelqu’une de mes femmes que cet homme aurait osé pénétrer chez moi.

Anarda.

Mon Dieu ! madame, en vous voyant aussi irritée, et si justement, je ne puis m’empêcher de vous dire toute la vérité, bien que je manque par là à l’amitié que j’ai pour Marcelle. Elle aime quelqu’un et en est aimée. Mais qui est ce quelqu’un ? voilà ce que j’ignore.

La Comtesse.

Tu as tort de me le cacher. Puisque tu avoues le plus important, pourquoi me taire le reste ?

Anarda.

Je suis femme, et, en cette qualité, je ne me laisserais pas presser beaucoup pour un secret qui n’est pas le mien. Qu’il vous suffise de savoir que ce cavalier est venu pour Marcelle ; que cela ne doit pas vous inquiéter, et qu’il n’y a rien qui puisse compromettre l’honneur de la maison. Cette liaison ne fait que de commencer.

La Comtesse.

Quelle audace ! et quelle réputation vais-je avoir !… Entrer ainsi dans la maison d’une personne qui n’est pas mariée ! Ah ! la malheureuse ! par la mémoire du comte, mon seigneur…

Anarda.

Modérez-vous, madame, et permettez-moi un seul mot. L’homme qui vient voir Marcelle n’est pas étranger à la maison, et il peut venir lui parler sans risquer de vous compromettre

La Comtesse.

C’est donc un homme à moi ?

Anarda.

Oui, madame.

La Comtesse.

Et qui ?

Anarda.

Théodore.

La Comtesse.

Mon secrétaire !

Anarda.

Je sais seulement qu’ils se sont parlé. J’ignore le reste.

La Comtesse.

Éloigne-toi !

Anarda.

Montrez ici votre prudence.