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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/174

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LE CHIEN DU JARDINIER.

Tristan, à part.

Nous voilà dans de beaux draps ! Heureux si j’en suis quitte pour les galères !

La Comtesse, à part.

Quel ennui ! quel dépit !


Entre FABIO.
Fabio.

Le marquis Ricardo vient d’arriver.

La Comtesse.

Préparez vite des sièges.


Entrent LE MARQUIS RICARDO et CÉLIO.
Ricardo.

Amené près de vous, belle Diane, par une inquiétude continuelle et par un vif désir qui m’a fait surmonter tous les obstacles, je viens vous offrir mes hommages et solliciter moi-même en ma faveur ; bien que je puisse être accusé d’une excessive ambition par quelqu’un de mes rivaux qui, lui-même, aura plus de vanité que d’amour. — Je ne vous demande pas comment vous vous portez ; je vous vois belle et charmante, et chez vous, mesdames, le mot beauté est synonyme de santé ; je n’aurai donc pas la maladresse de vous adresser aucune question à cet égard. Au contraire, c’est sur mon propre compte que je veux vous interroger, et je vous prierai de me dire en quel état je suis.

La Comtesse.

Pour ce qui me concerne, je vous remercie de vos compliments, qui sont beaucoup trop flatteurs. Quant à ce que vous me demandez de vous, marquis, nous ne sommes pas dans des termes tels que je puisse vous répondre.

Ricardo.

L’honnêteté de ma passion devrait cependant vous engager à m’accorder cette faveur. — Vos parents approuvent mes prétentions, et votre consentement, après lequel je soupire, manque seul à notre union. Si au lieu des domaines dont je viens d’hériter, j’avais en mon pouvoir toute la terre du couchant à l’aurore, si j’étais maître de tout l’or qu’elle renferme dans ses entrailles, et que je possédasse en outre toutes les perles et tous les diamants, je regarderais comme un bonheur de mettre tout cela à vos pieds avec mon hommage. Il y a plus encore : pour vous plaire, sur un signe de vous, j’irais sans hésiter jusqu’aux extrémités de ce globe, jusqu’aux dernières limites qu’ait atteintes l’audace humaine.

La Comtesse.

Je vous le répète, marquis, je suis flattée de vos sentiments, et je penserai à votre projet. Seulement, vous le savez, je ne voudrais pas fâcher mon cousin, le comte Frédéric.