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JOURNÉE I, SCÈNE II.


Entre LA COMTESSE.
La Comtesse.

À merveille ! je suis charmée de voir l’heureux effet de mes conseils ! ne vous dérangez pas.

Théodore.

Je disais, madame, à Marcelle combien j’avais eu de chagrin en sortant hier au soir de votre appartement, — dans la crainte que vous ne vissiez avec déplaisir que j’aspirais à sa main, et que vous ne fussiez offensée de ma prétention. J’ai pensé en mourir. Et comme elle m’a répondu qu’avec votre bienveillance habituelle vous consentiez à ce mariage, dans ma joie je l’ai embrassée. Si je voulais tromper votre seigneurie, je ne serais pas embarrassé pour trouver d’autres détours ; mais j’ai toujours pensé qu’avec une personne d’un esprit aussi distingué, ce qu’il y a de mieux, c’est de dire la vérité.

La Comtesse.

Théodore, vous méritez d’être puni pour avoir manqué au respect que vous devez à ma maison, et la générosité dont j’ai usé à votre égard ne vous commandait que plus de ménagements. Lorsque l’amour passe certaines bornes, rien ne le justifie. Jusques à votre mariage avec Marcelle, il sera plus convenable qu’elle soit enfermée ; car je craindrais que mes autres femmes ne vinssent à vous voir ensemble, et qu’elles ne suivissent un tel exemple. {Appelant.) Dorothée ! Dorothée !

Dorothée.

Madame ?

La Comtesse.

Prenez cette clef… c’est celle de ma chambre… et enfermez-y Marcelle. J’ai à l’y faire travailler. N’allez pas croire que je sois fâchée contre elle.

Dorothée.

Qu’est-ce donc, Marcelle ?

Marcelle.

La puissance de l’amour et d’une étoile ennemie. Elle m’enferme à cause de Théodore.

Dorothée.

Ce palais n’est pas une prison, et l’amour sait ouvrir toutes les portes.

Elles sortent.
La Comtesse.

Ainsi, Théodore, vous voulez vous marier 7

Théodore.

Moi, madame, je n’ai d’autres désirs que les vôtres ; et croyez-moi, mon offense n’est pas aussi grande qu’on vous l’a dit. Vous savez ce que c’est que l’envie ; et si le poète Ovide y eût mieux