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LE CHIEN DU JARDINIER.

songé, il ne l’eût pas représentée habitant les montagnes désertes, mais les palais des grands.

La Comtesse.

Vous n’aimez donc pas Marcelle ?

Théodore.

Pardon. Mais elle n’est pas nécessaire à mon bonheur.

La Comtesse.

Cependant elle m’a dit que vous perdiez l’esprit pour elle.

Théodore.

C’est peu de chose, et la perte ne serait pas grande. — Veuillez me croire, madame ; Marcelle mérite sans doute un absolu dévouement, mais ce dévouement je ne l’éprouve pas pour elle.

La Comtesse.

Cependant ne lui avez-vous pas adressé des déclarations, des galanteries qui auraient pu tromper un cœur plus difficile encore ?

Théodore.

Les paroles coûtent si peu !

La Comtesse.

Voyons, que lui avez-vous dit ? — Je suis curieuse de savoir comment vous parlez d’amour, messieurs ?

Théodore.

Mon Dieu ! on flatte, on supplie, on reproduit sous mille formes une seule vérité… et encore cette seule vérité n’y est-elle pas toujours.

La Comtesse.

Fort bien, mais quelles sont ces paroles ?

Théodore.

Votre seigneurie est pressante. Je disais : Ces yeux, ces yeux charmants sont la lumière qui m’éclaire… Quand je contemple le corail et les perles de cette bouche céleste…

La Comtesse.

Céleste, dites-vous ?

Théodore.

Oui, madame, ces expressions et quelques autres du même genre sont l’ABC des amoureux.

La Comtesse.

Vous avez mauvais goût, Théodore. N’en soyez pas fâché ! mais je perds beaucoup de la bonne opinion que j’avais de vous. Je vois Marcelle de plus près que vous, et par conséquent je connais mieux ses défauts. Je suis souvent obligée de la gronder, et je pourrais vous apprendre des choses qui feraient tomber bien des illusions. — Mais laissons cela, ne parlons plus de ses qualités ni de ses défauts ; je suis bien aise que vous l’aimiez, et je serai charmée de votre mariage ; mais en ce moment, vous qui êtes amoureux, donnez-moi un conseil pour cette amie dont je vous ai parlé, et qui depuis long-temps est tourmentée de l’amour qu’elle ressent pour un