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LE CHIEN DU JARDINIER.


Entre TRISTAN.
Tristan.

Au milieu de vos graves méditations, pourriez-vous recevoir un billet de Marcelle, qui se console avec vous de sa captivité ? Le voici, et je vous l’apporte gratis, parce qu’on n’aime pas à voir ceux dont on n’a pas besoin. À la cour, monseigneur, quand un homme se trouve en bonne position, il est accablé de visites et de sollicitations de toute espèce ; mais la fortune vient-elle à lui tourner le dos, aussitôt chacun l’abandonne comme un pestiféré. — Seriez-vous d’avis que je passasse au vinaigre le billet de Marcelle, crainte de contagion ?

Théodore.

Toi et le billet, vous m’ennuyez également. Donne-le. — Il n’a pas besoin d’être passé au vinaigre ayant passé par tes mains[1]. (Il lit.) « À mon époux Théodore. » — (Parlant.) Mon époux ! que cela est ridicule !

Tristan.

Oui, monseigneur, fort ridicule.

Théodore.

Demande donc à ma destinée, si de la hauteur où elle s’est élevée elle aperçoit une humble violette.

Tristan.

Mon Dieu ! quelque élevé que vous soyez, lisez tout de même, je vous en prie, d’autant qu’il ne faut pas dédaigner le vin parce qu’il y a des moucherons ; et puis vous devriez vous rappeler qu’il fut un temps — qui n’est pas éloigné, où cette humble violette était à vos yeux un cèdre du Liban.

Théodore.

Mon cher Tristan, mes regards désormais ne peuvent plus guère se détacher du soleil vers lequel ils sont fixés ; et je suis d’elle à une telle distance, que je m’étonne de l’apercevoir encore.

Tristan.

Vous maintenez bien votre dignité… Mais que ferons-nous du billet ?

Théodore.

Le voilà.

Tristan.

Vous le déchirez ?

Théodore.

Sans doute.

Tristan.

Et pourquoi ?

  1. Muestra que vendrá lavado,
    Si en tus manos ha venido.