que tout est rompu, et je suis sûr qu’il vous donnera ce que vous avait promis le marquis.
J’y cours.
Il a bien fait de partir.
J’ai lu et relu votre lettre, madame, et après l’avoir bien méditée, je viens vous dire que ma timidité est la conséquence de mon respect, en avouant que je me suis conduit comme un sot, et que vos bontés auraient dû triompher de cette gêne. Permettez-moi donc de vous l’avouer, je vous aime, je vous aime, madame. — Pardonnez… pardonnez à mon trouble…
Je vous crois sans peine, Théodore. Comment pourriez-vous ne pas m’aimer ? Ne suis-je pas votre maîtresse, et de tous mes serviteurs n’êtes-vous pas celui auquel j’ai toujours témoigné le plus de confiance et de bonté ?
Je ne vous comprends pas, madame.
Mon langage est clair cependant ; et je vous prierai de ne jamais franchir cette limite. Ayez des prétentions plus raisonnables. D’une femme comme moi envers un homme comme vous, la plus légère faveur doit suffire au bonheur, à la gloire de toute une existence.
Je supplie votre seigneurie d’excuser ma franchise ; mais je suis forcé de vous le dire, cet esprit brillant que tout le monde admire en vous n’a pas toujours un éclat égal. Était-il bien, je vous le demande, de m’avoir donné de telles espérances, que, ne pouvant supporter le poids de mon bonheur, j’en ai été, vous le savez, malade près d’un mois ? Et puisque nous sommes sur ce point, si lorsque vous me croyez indifférent, soudain vous vous enflammez, et si quand vous me voyez épris vous devenez de glace, que ne me laissiez-vous tout entier à Marcelle ? Pardonnez, madame, mais ce serait le cas de rappeler le conte que l’on fait du chien du jardinier. Excitée par une sorte de jalousie, vous ne voulez pas que j’épouse Marcelle, et si je renonce à elle, vous me traitez de manière à m’ôter le jugement et à me faire croire que je m’éveille d’un vain songe. Eh bien, vous dirai-je, mangez ou laissez manger. Je ne puis me contenter de douteuses espérances, et si vous ne voulez pas vous décider, je recommence à aimer là où l’on m’aime.
Pour cela, non ; je vous avertis, Théodore, qu’il vous faut renoncer à Marcelle. Jetez les yeux sur une autre, mais pour celle-là je ne saurais le permettre.