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JOURNÉE II, SCÈNE III.

chien du jardinier qui ne mange ni ne laisse manger, qui n’est ni dedans ni dehors.

Tristan.

On m’a raconté qu’un docteur, un savant professeur, avait une gouvernante et un laquais qui se disputaient sans cesse. Ils se disputaient en dînant, ils se disputaient en soupant ; pendant la nuit, ils l’empêchaient de dormir, et le jour, il lui était impossible d’étudier. Un beau matin, comme il faisait sa classe, il fut forcé de revenir chez lui à la hâte, et entrant dans sa chambre à l’improviste, que voit-il ? gouvernante et laquais dans un accord parfait. « Dieu soit loué ! leur dit-il, une fois au moins je vous trouve en paix. » C’est ainsi, j’imagine, que finiront toutes vos querelles.


Entre LA COMTESSE.
La Comtesse.

Théodore ?

Théodore.

Madame ?

Tristan, à part.

Elle est partout, comme un esprit follet.

La Comtesse.

Je venais savoir comment vous alliez.

Théodore.

Vous le voyez.

La Comtesse.

Êtes-vous bien ?

Théodore.

Fort bien.

La Comtesse.

Vous n’ajoutez pas : À votre service.

Théodore.

Non, madame, et je ne puis pas y être longtemps si vous me traitez ainsi.

La Comtesse.

Ah ! que vous me connaissez mal !

Théodore.

Si mal, en effet, que je ne puis pas même vous comprendre, je n’entends pas votre langage, et je sens vos coups. Si je ne vous aime pas vous vous fâchez, vous vous fâchez si je vous aime. Si je vous oublie vous m’écrivez, et si je me contiens je vous offense. Vous paraissez désirer que je vous entende, et si je vous entends je suis un sot. Madame, tuez-moi ou donnez-moi la vie ; mais mettez une fin à mes tourments.

La Comtesse.

Vous avez saigné ?