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JOURNÉE III, SCÈNE II.



Scène II.

L’appartement de la Comtesse.


Entrent LA COMTESSE et THÉODORE.
La Comtesse.

Eh bien, Théodore, êtes-vous guéri de votre tristesse ?

Théodore.

Ah ! madame, j’aime ma tristesse, je chéris mon mal, et je n’y désire point de soulagement, puisque je souffre alors surtout que je cherche à guérir. Bénis soient les maux qui sont si doux à supporter que celui qui se voit périr aime encore sa perte ! Je n’ai qu’un chagrin, c’est d’être forcé par mon mal de m’éloigner de celle qui le cause.

La Comtesse.

Vous voulez vous absenter ? Pour quel motif ?

Théodore.

On en veut à mes jours.

La Comtesse.

Je m’en doutais.

Théodore.

On porte envie à mes maux qui viennent d’un si grand bien. Je vous demande la permission de passer en Espagne.

La Comtesse.

Vous ne pouviez prendre un parti plus sûr ni plus généreux. Vous nous mettrez ainsi à l’abri du danger, et en même temps, si vous m’affligez par ce départ, vous dissiperez les soupçons qui pourraient ternir mon honneur. Depuis le jour où je m’emportai d’une manière si ridicule en présence de Frédéric, il m’a montré une telle jalousie, que je dois consentir à ce que vous me demandez. Allez en Espagne ; on vous donnera six mille écus pour les frais du voyage.

Théodore.

Cette absence fera taire sans doute vos ennemis. — J’embrasse vos genoux.

La Comtesse.

Va, Théodore, pars. Épargne une femme faible et trop malheureuse.

Théodore.

Vous pleurez ! Que voulez-vous que je fasse ?

La Comtesse.

Enfin, Théodore, tu pars ?

Théodore.

Oui, madame.