J’ai pour vous un tel attachement, mon frère, que lorsque vous êtes loin de moi, Dieu le sait, tout m’alarme. Alors il n’y a plus pour moi ni repos ni sommeil. Un lièvre, un lapin deviennent à mes yeux des monstres horribles.
Dans nos forêts de Galice, ma sœur, il est bien rare que l’on trouve une bête féroce ; et j’en suis fâché, car nous autres jeunes gens nous ne haïrions point de semblables rencontres. Parfois seulement on voit sortir des profondeurs de la forêt un sanglier farouche, et j’ai eu ce plaisir ; on l’y voit, dans sa fureur, après avoir mis en pièces une douzaine de chiens, s’attaquer au cheval le plus vaillant, l’éventrer, et lui tirer des flots de sang comme en échange de l’écume qui blanchit sa gueule. Quelquefois aussi paraît un ours qui, plein d’audace, vient lui-même attaquer le chasseur, et debout, l’embrasse dans ses pattes robustes, et il n’est pas rare de les voir tomber morts en même temps. Mais notre chasse ordinaire, bien qu’assez variée, est plus humble, et nous ne tentons pas le ciel. Au reste, la chasse est l’exercice le plus digne des princes et des nobles, car il enseigne les ruses de la guerre, rend familier l’usage des armes, et le corps plus dispos.
Je voudrais vous voir marié… Alors sans doute vous ne vous livreriez plus avec tant de fureur à un plaisir qui me cause mille craintes.
Me marier n’est pas facile. Seigneur de ce pays, je n’y ai point d’égale.
Vous pourriez bien demander la fille de quelque seigneur de haute naissance.
Vous me dites cela, je crois, pour me reprocher indirectement de ne vous avoir pas encore mariée. C’est un désir naturel aux jeunes filles.
Non vraiment, vous vous trompez, et je ne parlais que pour vous.
Approche ; ils sont seuls, personne ne te gêne.
Tu as raison. Il n’y a auprès d’eux que quelques-uns de leurs domestiques.
Nous verrons ce qu’ils vont te donner.