Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/311

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Ferdinand.

Me tuer un si vaillant soldat, lorsqu’il serait entré de bonne foi dans la ville, ce serait renoncer à ma clémence, m’empêcher d’écouter désormais aucune prière, et m’obliger à doubler au besoin mes troupes pour prendre Grenade. — Il est impossible, madame, que le roi more se rende coupable de cette trahison.

Zélin.

Par le prophète Mahomet, que j’adore, il n’y a rien à craindre. On peut me croire, puisque je jure par Mahomet.

Isabelle, riant.

Oui, car il n’irait pas demander l’absolution à Rome. — Eh bien, grand capitaine, je vous laisse libre.

Gonzalve.

Je ne pouvais rien demander de plus, et je suis trop heureux. Permettez donc, madame, que j’aille déterminer la reddition de Grenade.

Isabelle.

Prenez bien vos précautions, au moins, et que Dieu veille sur vous !

Gonzalve.

Avec sa protection et la vôtre, la réussite est certaine.

Ferdinand.

Écoutez attentivement le More, Gonzalve. Il y a toujours profit à tirer de ce que dit un ennemi.

Zélin.

Le roi de Grenade n’aspire qu’à devenir votre ami et votre vassal. Grenade est à vous, n’en doutez pas.

Ferdinand.

Venez, alcayde. — Votre nom ?

Zélin.

Zélin Zayde. — Il convient que vous revêtiez un autre habit, afin qu’on ne vous reconnaisse pas quand vous entrerez par la poterne. Je vous le demande pour moi.

Gonzalve.

Eh bien, viens dans ma tente, et nous attendrons là que la nuit nous permette d’entrer dans la ville sans que nous ayons rien à craindre. Je me fie à ton roi.

Zélin.

Et vous avez raison. D’après notre loi, c’est un grand péché que de tuer en trahison ; et surtout l’on verrait avec horreur qu’il vous arrivât mal à vous, que tous les Mores admirent et vénèrent pour vos beaux exploits dignes d’un laurier immortel. En Afrique même tout le monde vous aime, tous les cœurs vous sont soumis, et l’on ne vous appelle que le second Cid. Aussi, veuillez croire, illustre