prêtre réduit au dénûment, il l’habillait de la tête aux pieds. Un jour même il s’oublia au point de donner toute sa garde-robe, et quand il voulut sortir il ne trouva plus chez lui de quoi se vêtir convenablement.
J’ai parlé du zèle avec lequel il s’acquittait des devoirs auxquels il était obligé comme membre de la congrégation des prêtres nés à Madrid. Au nombre de ces obligations, ai-je dit, était celle d’accompagner ceux qui mouraient à la dernière demeure. Dans une de ces cérémonies, comme on venait d’arriver au champ du repos, Lope, déjà avancé en âge, témoigna le désir d’ensevelir lui-même le défunt. Les assistants voulurent, mais en vain, épargner ce pénible office à sa vieillesse. Ayant dépouillé son manteau ecclésiastique, il descend dans la fosse pour recevoir le cadavre, l’étend sur la couche funèbre, et ne se retire qu’après avoir pieusement jeté sur ces restes les premières pelletées de terre.
Mais voici peut-être quelque chose de plus beau encore. Un jour, un je ne sais quel homme, sans respect pour son habit, sans respect pour son âge et sa gloire, l’insulte. Lope lui représente ses torts. « Eh bien ! dit l’autre furieux, si vous n’êtes pas content, marchons ! — Oui, marchons, réplique aussitôt le vieux soldat devenu prêtre… Marchons à l’autel, moi pour y dire une messe, vous pour me la servir. » — Quelle présence d’esprit et quelle force d’âme ! Ne trouvez-vous pas qu’il y a dans ce trait quelque chose d’héroïque ?
Arrêtons-nous ; il est temps d’achever. Maintenant, si je ne m’abuse, on connaît Lope ; on connaît sa vie, ses mœurs, ses goûts, son caractère ; et l’on demeure persuadé comme nous, que, malgré ses faiblesses, inséparables d’une organisation vive et sensible, le grand poëte était en même temps un homme excellent et un grand homme.