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Entre TÉCUÉ, en courant.
Técué.

J’ai eu assez de courage pour m’approcher et les voir. Mais je tremble rien que d’y penser.

Tapirazu.

Qu’est-ce donc que tu as vu, Técué ?

Técué.

Vous me voyez encore rempli de terreur, et je ne sais comment vous dire cela. — Ces maisons qui recélaient des hommes les ont enfantés, et la terre, foulée par eux, s’est émue. Parmi eux, Dulcan, j’en ai vu un, si grand, si grand, que, je le jurerais, il dépassait les pins qui sont là-bas sur la montagne. Il avait deux têtes, dont l’une à la moitié du corps.

Dulcan.

Cela est étrange. — Que signifie, ô ciel ! ce prodige ?

Técué.

Celle d’en haut m’a paru petite ; mais celle qui est au milieu du corps m’a épouvanté.

Dulcan.

Elle est grande ?

Técué.

Elle est énorme, a les narines immenses et ouvertes, et elle est à demi cachée sous de longs cheveux, qui retombent de chaque côté. Toute la bouche est entourée d’écume. Elle a de longues oreilles dressées. Cet homme a une voix haute et forte, avec laquelle il pousse de longs cris. Sa poitrine est large ; mais il a des jambes menues, sur lesquelles il court avec une inconcevable rapidité. Il a quatre jambes.

Dulcan.

Qu’est-ce donc ?

Técué.

En cela il ressemble à la brebis et au daim.

Dulcan.

Ayant quatre jambes, il doit courir vite.

Técué.

Il a un ventre énorme.

Tapirazu.

Je le crois sans peine.

Dulcan.

Tu dis qu’il a des cheveux ?

Técué.

Oui, mais voici la différence : c’est que les cheveux que l’homme a sur le dessus de la tête il les a par derrière.

Dulcan.

Je vois, Tapirazu, que nous sommes perdus.