chaine avec un hamac et dix Indiens qui m’emporteront en courant. Si vous daignez me conduire jusque-là, je vous ferai des présents si riches et en tel nombre, que dix chevaux d’Espagne ne pourront pas les porter. Je vous donnerai de beaux arcs, des boucliers doublés de peaux de bêtes ou d’écailles de poisson, des casques ornés de plumes magnifiques et recouverts de feuilles d’or. Je vous donnerai vingt boucliers et vingt casques. Je suis femme, et en cette qualité je puis demander la protection d’un homme, surtout d’un homme vaillant ; je puis lui demander qu’il ait pitié de moi et qu’il m’aide à retrouver mon époux.
Il suffit, Tacuana ; suis-moi et sois sans crainte. En te voyant sous ma protection, personne ne songera à te faire la moindre offense. Je sais que Dulcan t’opprime et ne veut pas te rendre à ton mari ; mais tu le reverras aujourd’hui. Quant à tes présents et à ton or, garde tout cela ; garde-le pour en broder un riche hamac où tu reposes.
Que le ciel te protége, généreux Espagnol !
L’amour a entendu ma plainte. (À demi-voix.) Tu as entendu, Arana ?
Où mènes-tu cette femme ?
Et où veux-tu que je la mène, sinon en un lieu où je puisse me consoler avec elle de mon long veuvage ? Me crois-tu donc de marbre ?
Cet Espagnol, je le vois maintenant, n’est pas un dieu. S’il était un dieu, il aurait deviné mes sentiments, il aurait deviné l’amour qui m’a conduite vers lui. Je n’ai inventé cette ruse que pour me donner à ses désirs, et lui, il pense qu’il me va posséder malgré moi !
Partons, belle Tacuana.
Je voudrais savoir ton nom.
Rodrigue.
Tu ne me trompes pas ?
Tu aurais tort de le croire. Je me nomme Rodrigue, et mon nom de famille est Terrazas.
Es-tu noble ?