je le veux bien, supposons que nous soyons vaincus… Eh bien ! Sélim aura-t-il pour cela anéanti la vertu de notre ligue ? Ne nous reste-t-il plus de soldats en Flandre ? Le roi Philippe n’a-t-il pas d’autres armées ? La noble Espagne n’a-t-elle pas un autre sang qu’elle puisse offrir à Dieu et à l’Église ? Et j’en réponds, si nous étions vaincus, ce ne serait pas sans que l’ennemi eût essuyé de grandes pertes ; tandis que si au contraire nous sommes vainqueurs, nous n’avons qu’à paraître, et la Grèce est à nous. De quoi nous servirait d’aller inquiéter la Morée pour y attirer l’ennemi à notre suite ?… Mon avis est donc que votre altesse s’embarque au plus tôt, qu’elle aille chercher l’ennemi, et que l’ayant rencontré, elle lui livre bataille. Voilà, mon seigneur, ce que vous conseille l’héritier des Bazan ; et sur la croix de cette épée, devant laquelle je m’incline humblement comme chrétien, je jure que ce que j’ai dit, je l’ai dit sans aucune passion, sans aucune vue personnelle, et seulement pour la décharge de ma conscience.
Et vous, don Fernando Carrillo de Mendoza, quel est votre avis ?
Je pourrais, seigneur, l’appuyer de bonnes raisons ; je n’émettrai que celle-ci : c’est que le pape Pie V m’a inspiré par sa sainteté et sa morale une confiance absolue, et puisqu’il veut qu’on livre combat aux mécréants, je vote pour que l’on combatte au plus tôt.
Et vous, Barbarigo ?
Moi, seigneur, n’ayant point d’opinion arrêtée, je me rangerai à celle qui réunira la pluralité des voix.
Et vous, Hector ?
Moi, je suis pour le combat.
Et vous, Marc-Antoine ?
Le combat, seigneur ! Mon avis est que le retarder, c’est retarder d’autant la victoire.
Et vous, don Louis de Requesens ?
Que nous allions chercher l’ennemi, s’il le faut, jusqu’à Constantinople.
Et vous, don Lope de Figueroa ?