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compensation, quelques poëtes peu délicats s’en attribuaient d’autres qui lui appartenaient légitimement. Ce double inconvénient s’est reproduit depuis plus d’une fois.

La Huerta, dans son catalogue[1], a attribué à Lope plusieurs comédies qui ne lui appartiennent point, comme el Alcalde de Zalamea, — el Medico de su honra, et plusieurs autres qui sont incontestablement de Calderon ; la Verdad sospechosa, qui est d’Alarcon ; el Pastelero de Madrigal, qui est d’un anonyme, etc., etc.

En revanche, les critiques les plus instruits n’ont pas toujours eu présent à leurs souvenirs le répertoire de Lope. Je citerai notamment M. Louis de Viel-Castel, un des hommes qui savent le mieux les choses de l’Espagne, et qui à des connaissances étendues joint un rare talent d’exposition. Dans un morceau, d’ailleurs fort remarquable, qu’il a écrit sur le drame historique espagnol[2], M. Louis de Viel-Castel n’a mentionné que trois ou quatre comédies historiques de Lope, qui en a composé un fort grand nombre. Il nous en reste encore aujourd’hui plus de soixante. Toutes contiennent des beautés du premier ordre, et il en est au moins quinze ou vingt qui sont des ouvrages aussi remarquables que Le meilleur alcade et la Découverte du nouveau monde.

Puisque je m’occupe ici des péchés d’omission, je relèverai deux légères erreurs.

M. Louis de Viel-Castel dit à propos des amours d’Alphonse VIII et de Rachel, « qu’il est à regretter qu’aucun des grands maîtres de la scène ne se soit emparé de ce sujet. » Lope de Vega l’a traité sous ce titre, la Judia de Toledo.

De même, parlant d’une comédie de Cañizares dont Gonzalve de Cordoue est le héros, et qui a pour titre les Comptes du grand capitaine (las Cuentas del gran capitan), M. de Viel-Castel la regarde comme la première que l’on ait faite sur ce sujet. Lope l’avait déjà traité un siècle avant Cañizares, et la pièce de ce dernier n’est qu’une imitation de la sienne, ou, si l’on veut, un audacieux plagiat, une nouvelle édition revue et corrigée à la manière de Trigueros.

Ces deux pièces, sans être des meilleures de Lope, valent la peine qu’on les lui restitue.

  1. Voyez Theatro Hespañol. Madrid, 1785, tom. Ier.
  2. Voyez la Revue des Deux Mondes, numéro de novembre 1840.