reconnaissance de vos empressements ? Car enfin n’est-elle pas libre d’aimer ou de haïr ?
Comment ! ces fantaisies ou ces faussetés ne se voient-elles pas à chaque instant chez les femmes ?… N’osant pas repousser ouvertement mes hommages, elle me montre un visage serein et content ; mais au fond, c’est le comte qu’elle aime d’un véritable amour. Comme elle a de l’esprit, elle encourage en apparence mon assiduité ; mais c’est au comte qu’elle a livré son âme en secret. Ne me contredis point, Valerio, j’en suis certain. Il y a longtemps que cette idée m’est venue ; je n’y ai pas ajouté d’abord une foi entière, par respect pour elle, par respect pour moi. Mais depuis que je l’ai vue elle-même, un soir, ici, remettre au comte une lettre, je crois ce que j’ai craint, et je crois ce qui est.
Et que prétendez-vous ?
Lui parler en ce lieu, Valerio.
Vous l’avez donc envoyé chercher ?
Il ne tardera pas à venir.
Que comptez-vous lui dire ?
Tout ce que la jalousie m’inspirera.
Quel est votre dessein ?
D’obtenir qu’il renonce à ses prétentions, ou de le tuer s’il refuse — Perfide comte Prospero ! audacieux faucon qui m’as ravi ma tourterelle, je te ferai lâcher ta proie !
Votre mal, monseigneur, est plus sérieux que je ne le pensais.
Il est cruel, terrible et incurable.
Mais ne trouvez-vous pas que c’est vous abaisser que de vous porter ainsi pour rival du comte ?
Puisqu’il m’y a contraint, je demanderai satisfaction à ce traître, et au monde entier s’il le faut.
Je lui parlerai.
Je ne le veux pas.