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La Duchesse.

Allons ; il y a plus d’une heure que je suis sortie du jardin.

Le Comte.

Quoi ! vous me pressez de la sorte au moment où je vous quitte ? Qu’est ceci, Celia ? votre impatience couvre quelque mystère.

La Duchesse.

Fuyez, pour Dieu ! fuyez au plus tôt. Je tremble que l’on ne vous trouve ici et que l’on ne vous tue à mes yeux… et j’en mourrais, Prospero… Oui, j’en mourrais ; car ma vie est dans la vôtre, et je mourrais de votre mort, comme l’enfant qui est dans le sein maternel meurt en même temps que sa mère. — Allez, allez avec Dieu. J’ai l’espoir qu’un jour nous nous reverrons.

Le Comte.

Permettez-moi donc, Celia, de vous embrasser pour la dernière fois.

La Duchesse.

Oui, pour la dernière fois avant votre départ ; car, après, comme je vous l’ai dit, je suis votre épouse à jamais.

Le Comte.

Celia !

La Duchesse.

Prospero !

Le Comte.

Au moins, mon cher bien, souffrez que je vous en supplie… pendant ce long exil vous ne m’oublierez pas, vous ne vous éprendrez pas d’un autre amour. Vous n’écouterez ni les soupirs du prince, ni ceux d’aucun cavalier, n’est-ce pas ?

La Duchesse.

Pouvez-vous le demander ?

Le Comte.

Ce n’est qu’en emportant cette assurance que j’aurai la force de m’éloigner.

La Duchesse.

Je vous en donne ma parole. Recevez pour gage cette chaîne.

Le Comte.

Recevez pareillement cet anneau.

La Duchesse.

En l’acceptant, je vous promets d’être votre épouse pour la vie.

Le Comte.

Adieu.

La Duchesse.

Adieu. Suivez en vous en allant le mur de clôture.

Theodora.

Adieu, comte.

Le Comte.

Adieu, Theodora.