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Scène II.

Une rue de Fontovéjune.


Entrent LAURENCIA et PASCALE.
Laurencia.

Plaise au ciel qu’il ne revienne jamais en ces lieux !

Pascale.

Eh bien ! s’il faut te l’avouer, quand je t’ai donné cette nouvelle, j’ai cru que cela te ferait plus de peine.

Laurencia.

Je te le répète, Dieu veuille que je ne le revoie de ma vie à Fontovéjune !

Pascale.

Va, Laurencia, j’ai connu plus d’une fille qui était pour le moins aussi fière que toi, aussi farouche, et qui a fini par devenir maniable comme de la cire.

Laurencia.

Tu ne sais donc pas que je suis plus dure et plus rêche qu’un vieux chêne ?

Pascale.

Allons, il ne faut jamais dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau.

Laurencia.

Par le soleil ! je le dirai, dût le monde entier soutenir le contraire. Pourquoi aimerais-je Fernand Gomez ? Est-ce que je puis prétendre qu’il m’épouse ?

Pascale.

Il est vrai que non.

Laurencia.

Dès lors je n’aurais à attendre que de la honte. Ne vois-tu pas toutes nos jeunes filles qui se sont fiées à lui, comme il les a délaissées ?

Pascale.

Si tu lui échappes, je regarderai cela comme un miracle.

Laurencia.

Miracle, soit ; tu peux le tenir pour sûr : il y a déjà un mois qu’il me poursuit, et, ma chère, il n’a rien eu. Florez, son digne agent, et ce drôle d’Ortuño, m’ont fait voir des robes, des colliers, des épingles pour la tête ; ils m’ont dit du commandeur mille et mille choses qui m’ont inspiré des craintes : mais rien n’a pu m’ébranler.

Pascale.

Où est-ce qu’ils t’ont parlé ?

Laurencia.

Là bas, au bord du ruisseau, il y a cinq ou six jours.

Pascale.

Prends garde, Laurencia ; tu me sembles bien menacée !