Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Scène II.

Un bois près de Fontovéjune.


Entrent MENGO, LAURENCIA et PASCALE.
Pascale.

Ne t’éloigne pas !

Mengo.

Quoi ! même ici vous avez peur.

Laurencia.

Il faut que nous allions ensemble à la ville ; car toujours le premier homme que nous rencontrons ici, c’est lui.

Mengo.

Quel homme ! c’est un démon incarné.

Laurencia.

Il ne nous laisse tranquilles ni au soleil ni à l’ombre.

Mengo.

Ah ! que le ciel devrait bien envoyer un bon coup de foudre pour mettre fin à ses folies !

Laurencia.

C’est une bête féroce, c’est un serpent, c’est la peste de l’endroit.

Mengo.

On m’a conté, Laurencia, que dans ces environs, Frondoso, pour te délivrer, lui mit l’arbalète sur la poitrine.

Laurencia.

À cette époque-là, Mengo, je détestais les hommes ; mais depuis je les vois avec d’autres yeux. Frondoso montra un rare courage. Pourvu que son dévouement ne lui coûte point la vie !

Mengo.

Force lui sera de quitter le pays.

Laurencia.

C’est le conseil que je lui donne, quoiqu’à présent je l’aime bien. Mais il ne m’écoute pas, et quand je lui parle ainsi, je ne trouve chez lui que dépit, jalousie et colère. Et cependant le commandeur jure de son côté qu’il le fera pendre par un pied aux créneaux du château.

Pascale.

Puisse-t-il lui-même être bientôt étranglé !

Mengo.

Un bon coup de fronde suffirait. Par le soleil ! si jamais je lui en tire une de celles que je porte dans ma gibecière, à peine vous l’auriez entendue siffler qu’elle serait logée dans son crâne. — Le fameux Sabale, l’empereur romain, n’était pas aussi vicieux.

Laurencia.

Tu veux dire Héliogabale, celui qui avait plus de férocité qu’une bête féroce.