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Léonarda.

Tu lis, à ce qu’il paraît, les romances.

Inès.

Silence, madame, car voici que la belle Xarife dit à sa sœur de regarder le vaillant Maure qui passe dans notre rue, monté sur un cheval alezan.

Léonarda.

Prends garde, Inès ; tu fais du Romancero ta lecture habituelle, et il pourrait t’arriver comme à ce pauvre chevalier.

Inès.

Don Quichotte de la Manche, Dieu pardonne à Cervantes ! fut un de ces extravagants que vante la Chronique[1]. Pour moi je lis dans les Romanceros, et je m’en trouve bien… mon esprit s’y forme tous les jours ; et quant à ce qui est de l’amour, je me suis mise à songer qui je pourrais aimer.

Léonarda.

Veux-tu que je te le dise ?

Inès.

Bien volontiers, madame.

Léonarda.

Aime un médecin, afin qu’il te guérisse de ta folie.

Inès.

C’est que, madame, les médecins ne guérissent pas le mal d’amour.

Léonarda.

Et qui donc alors le guérit ?

Inès.

Le temps, le temps seul. — Et d’ailleurs, madame, je n’en suis pas là, je n’aime pas encore.

Léonarda.

Alors pourquoi veux-tu que j’aime ?

Inès.

C’est que vous y êtes obligée.

Léonarda.

Moi ? et comment ?

Inès.

L’occasion est superbe. Vous le savez, un noble cavalier, le fils du corrégidor, — en un mot, don Louis de Ribera vous adore.

Léonarda.

Il est vrai, il m’a parlé de ses sentiments, mais il n’a pas été jusqu’à mon âme. — D’ailleurs il se consolera aisément.

  1. Don Quixote de la Mancha,
    Perdone Dios a Cervantes,
    Fue de los estravagantes
    Que la Coronica ensancha.