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rant, des billets doux pleins de galanteries portugaises[1]. Je la vis un jour dans un jardin, et de près elle me parut peu jolie ; je causai avec elle, et je la trouvai ennuyeuse ; je lui touchai la main, et elle me sembla froide. C’est pourquoi, lorsque j’ai dû partir, je l’ai quittée sans regret ; et à présent, hors mes parents et mes amis, rien ne m’occupe à Valence.

Phénice.

Hélas ! hélas ! cet homme qui m’a inspiré une passion si subite, il en aime une autre !… Ah ! quelle horrible trahison !

Lucindo.

Écoutez-moi !

Phénice.

Vous m’avez tuée.

Lucindo.

Vous pleurez ?

Phénice.

Ah ! grand Dieu !

Lucindo.

Ôtez votre mouchoir.

Tristan, à part.

Diable ! quelle rusée !

Phénice.

Vous avez, j’en suis certaine, apporté ici des gages de sa tendresse.

Lucindo.

Ne m’affligez pas, ne me tourmentez pas, mon cher bien. Songez que votre chagrin me désole.

Phénice.

Où sont ces gages, dites-moi, perfide ?

Tristan, à part.

Voilà une feinte bien habile !

Lucindo.

Ne pleurez pas, je vous prie.

Phénice.

Je ne pleure pas sans motif. La chaîne que vous aviez sur vous cette après-dînée était un de ces gages, et c’est pour cela que vous ne la portez pas en ma présence.

Tristan, à part.

Voyons comme il s’en tirera.

Lucindo.

Quoi ! c’est la chaîne qui excite vos soupçons ?

Tristan, à part.

Peste soit de la chaîne !

Lucindo.

Écoutez, ma vie, et calmez-vous !

  1. Les Portugais sont renommés en Espagne pour la vivacité de leurs passions.