Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/60

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Phénice.

Il est vrai ; mais aussi c’est un chat. Vois, Célia, comme je l’embrasse ; je le préfère à Lucindo.

Célia.

Eh ! bon Dieu ! il y a plus d’une femme qui passe toute la sainte journée à embrasser un petit chien, lequel bien souvent est laid comme les sept péchés mortels. Pourquoi, vous, n’embrasseriez-vous pas un chat qui vaut son pesant d’or ?

Phénice.

Je le donnerai à l’homme que j’aime.

Célia.

Que le ciel vous en préserve !

Phénice.

Je ne l’ai demandé que pour don Juan.

Célia.

Eh bien ! appelez-le don Juan, et gardez-le.

Phénice.

On frappe, si je ne me trompe ?

Célia.

Oui, madame.

Phénice.

Cours vite renfermer ce chat, et prends garde qu’il ne crie ou qu’il ne s’échappe.

Célia.

J’y cours.

Elle sort.
Phénice.

C’est le pas du capitaine.


Entre LE CAPITAINE.
Le Capitaine.

Ah ça, Phénice, que devenez-vous donc ? vous vivez bien retirée depuis quelque temps ; on n’aperçoit pas un homme, ni soir ni matin, sur le seuil de votre porte ; et l’on ne s’assemble plus chez vous pour converser et pour jouer. — Et moi qui étais votre galant, votre brave, votre protecteur naturel ; moi qui étais le géant qui veillait sur vos enchantements magiques, je suis réduit à vous voir dormir innocemment comme une timide poulette sous les ailes de votre amant fortuné ! Ah ça, que signifie ce deuil ? en l’honneur de qui, s’il vous plaît, avez-vous revêtu ces habits d’enterrement ? Est-ce à l’intention du petit marchand de Valence, ou bien pour ce don Juan de Lara qui a tant amolli votre cœur de cristal de roche ? Contez-moi donc cela. Suis-je pas votre ami ?

Phénice.

Je vous parlerai plus tard, mon cher capitaine. Pour le moment, qu’il me suffise de vous dire que je n’ai pas oublié vos bons offices, et que je vous en témoignerai ma gratitude.