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— Mais elle est ben obligée de parler de même, expliqua quelqu’un, si elle l’dénonçait, i’la tuerait, comme une mouche, d’une seule tape !…

— Ah, i’en serait ben capable, le verrat d’homme !

Et toujours, l’entretien se terminait par un profond soupir sur le sens duquel, hélas, il ne pouvait y avoir d’erreur.

— Pauve’tite femme…

Il ne faut pas dire cependant, que la commisération fut tout de ce dont on se sentait capable au village. Souventes fois, on avait exprimé le désir que quelqu’un de bien planté et de pas peureux intervint dans ces chamaillis. Mais comment voulez-vous ; Déric était de taille à rencontrer tous les boulés du comté.

Lui faire entendre raison ? Pour cela, monsieur le curé lui-même ne l’eût pas tenté.

Non, taciturne et constamment renfrogné, Déric Castor était un de ces hommes desquels on peut dire, comme de certaines maisons de mauvais aloi, qu’il y a un chien enragé de caché sous le perron.

— I’a d’la broche piquante dans c’te homme-là ! était-on habitué de conclure, impuissant.

— Ça finira par mal tourner… Ça finira par mal tourner… affirmaient pourtant quelques rares optimistes.

Or voici, pour la joie de tout le monde, comment la chose advint.

Le tout fut rapporté par Blanchette qui, ce jour-là, sortait justement de chez Castor, où il venait de commanditer des œufs, comme celui-ci tourna le coin, plus renfrogné que jamais.

Donc, conformément au principe qui voulait qu’on évitât de rencontrer Déric sur son propre terrain, afin d’éviter la fatale crise de jalousie, Blanchette s’était précipité dans un buisson tout près de là.

La porte n’était pas sitôt refermée que les cris commencèrent à l’intérieur.