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UN SERVICE



Leurs patins dissimulés sous leur veston avec un air emprunté à Sainte Nitouche ce n’était point sans raisons que les cinq gamins avaient pris chacun une voie différente cette fois-là pour se rendre à l’Anse-des-Morin. Le pont de glace ne tenait sur la rivière que depuis la veille ; et personne d’eux ignorait l’interdiction formelle.

Est-ce à dire que la menace d’une volée sur les fesses n’avait prévalu en rien sur l’attrait du jeu défendu ? Certes non ; mais avec une bonne organisation, avait-on pensé, on ne devait pas manquer d’obvier à cette dernière.

— J’prends tout sur moué, avait déclaré le Grand-Lafleur, faites comme j’vous dis et personne nous poignera.

Et c’est ainsi que ce jeudi, jour de congé, les cinq gamins s’étaient retrouvés, sur le bord de la glace, sans avoir éveillé le moindre soupçon chez leurs parents.

Il y avait là, tous confiants dans l’esprit d’initiative du Grand-Lafleur, Tit’Phonse, Tit’Thur, Alfred et Tit’Thou.

Or, après deux bonnes heures de patin bien méritées, il arriva, la glace ayant cédée tout à coup, que le Grand-Lafleur eut de l’eau jusqu’aux épaules.

— Viande ! s’exclama-t-on, quand on l’eut tiré de là en faisant la chaine, c’est ben sûr, à c’t’heure, qu’on est tous poignés !…

Comment le rescapé allait-il pouvoir expliquer son aventure sans inculper tous ses camarades ? On ne lui